BOOK X
The Book of the Double Twilight
LIVRE X
Le Livre du Double Crépuscule
|
A hand is lifted towards the Invisible's realm
Beyond the superconscient's blinding line
And plucks away the screens of the Unknown; A spirit within looks into the Eternal's eyes. It hears the Word to which our hearts were deaf, It sees through the blaze in which our thoughts grew blind; It drinks from the naked breasts of glorious Truth, It learns the secrets of eternity. Thus all was plunged into the riddling Night, Thus all is raised to meet a dazzling Sun. O Death, this is the mystery of thy reign. In earth's anomalous and tragic field Carried in its aimless journey by the sun Mid the forced marches of the great dumb stars, A darkness occupied the fields of God, And Matter's world was governed by the shape. Thy mask has covered the Eternal's face, The Bliss that made the world has fallen asleep; Abandoned in the Vast she slumbered on: An evil transmutation overtook Her members till she knew herself no more. Only through her creative slumber flit Frail memories of the joy and beauty meant Under the sky's blue laugh mid green-scarfed trees And happy squanderings of scents and hues, In the field of the golden promenade of the sun And the vigil of the dream-light of the stars, Amid high meditating heads of hills, On the bosom of voluptuous rain-kissed earth And by the sapphire tumblings of the sea. But now the primal innocence is lost And Death and Ignorance govern the mortal world And Nature's visage wears a greyer hue. Earth still has kept her early charm and grace, The grandeur and the beauty still are hers, But veiled is the divine Inhabitant. The souls of men have wandered from the Light And the great Mother turns away her face. The eyes of the creatrix Bliss are closed And sorrow's touch has found her in her dreams. |
Une main est levée vers la région de l'Invisible
Au-delà de la ligne aveuglante du supraconscient
Et retire les écrans de l'Inconnu ;
Un esprit, au-dedans, regarde dans les yeux de l'Eternel.
Il entend le Mot auquel nos cœurs étaient sourds,
II voit à travers l'éclat qui aveugla nos pensées ; II boit aux seins nus de la Vérité glorieuse, II apprend les secrets de l'éternité. Ainsi tout était plongé dans la Nuit énigmatique, Ainsi tout est soulevé pour rencontrer un Soleil éblouissant. Ô Mort, ceci est le mystère de ton règne. Dans le champ anormal et tragique de la terre Portée dans son voyage sans but par le soleil Au milieu des marches forcées de grandes étoiles muettes, Une obscurité occupa les champs de Dieu, Et le monde de la Matière fut gouverné par ta forme. Ton masque a couvert la face de l'Eternel, La Félicité qui fit le monde s'est endormie. Abandonnée dans l'Immensité elle sommeilla : Une transmutation mauvaise s'empara De ses membres jusqu'à ce qu'elle ne se reconnût plus. Seulement, à travers son sommeil créateur voltigèrent Des souvenirs fragiles de la joie et de la beauté attendues Sous le rire bleu du ciel, parmi les écharpes vertes des arbres Et les heureux gaspillages de parfums et de couleurs, Dans le champ des promenades dorées du soleil Et la veillée de la lumière de rêve des étoiles, Parmi les hautes têtes méditatives des montagnes, Sur le sein voluptueux de la terre baisée par la pluie Et par les chutes saphirines de la mer. Mais maintenant l'innocence première est perdue Et la Mort et l'Ignorance gouvernent le monde mortel Et le visage de la Nature se couvre d'une teinte plus grise. La terre garde encore sa grâce et son charme anciens, Grandeur et beauté sont encore siennes, Mais l'Habitant divin est voilé. Les âmes des hommes ont erré loin de la Lumière Et la grande Mère détourne sa face. Les yeux de la Félicité créatrice sont clos Et le contact de la douleur l'a trouvée dans ses rêves. |
Page – 56 - 57
|
As she turns and tosses on her bed of Void, Because she cannot wake and find herself And cannot build again her perfect shape, Oblivious of her nature and her state, Forgetting her instinct of felicity, Forgetting to create a world of joy, She weeps and makes her creatures' eyes to weep ; Testing with sorrow's edge her children's breasts, She spends on life's vain waste of hope and toil The poignant luxury of grief and tears. In the nightmare change of her half-conscious dream, Tortured herself and torturing by her touch, She comes to our hearts and bodies and our lives Wearing a hard and cruel mask of pain. Our nature twisted by the abortive birth Returns wry answers to life's questioning shocks, An acrid relish finds in the world's pangs, Drinks the sharp wine of grief's perversity. A curse is laid on the pure joy of life:
Delight, God's sweetest sign and Beauty's twin,
Dreaded by aspiring saint and austere sage,
Is shunned, a dangerous and ambiguous cheat,
A specious trick of an infernal Power
It tempts the soul to its self-hurt and fall..
A puritan God made pleasure a poisonous fruit,
Or red drug in the market-place of Death,
And sin the child of Nature's ecstasy.
Yet every creature hunts for happiness,
Buys with harsh pangs of tears by violence
From the dull breast of the inanimate globe
Some fragment or some broken shard of bliss.
Even joy itself becomes a poisonous draught,
Its hunger is made a dreadful hook of Fate.
All means are held good to catch a single beam,
Eternity sacrificed for a moment's bliss:
Yet for joy and not for sorrow earth was made
And not as a dream in endless suffering Time.
Although God made the world for his delight,
An ignorant Power took charge and seemed his Will
And Death's deep falsity has mastered Life. |
Tandis qu'elle se tourne et se retourne dans son lit de Vide, Parce qu'elle ne peut pas s'éveiller et se retrouver Et ne peut pas construire à nouveau sa forme parfaite, Oublieuse de sa nature et de son état, Négligeant son instinct de félicité, Oubliant de créer un monde de joie, Elle pleure et fait pleurer les yeux de ses créatures ; Eprouvant avec le tranchant de sa douleur la poitrine de ses enfants, Elle dépense dans le vain gaspillage d'espoir et de labeur de la vie Un luxe poignant de souffrance et de larmes. Dans le changement en cauchemar de son rêve à demi-conscient, Torturée elle-même et torturant par son contact, Elle vient à nos cœurs et nos corps et nos vies Portant un masque de douleur cruel et dur. Notre nature tordue par une naissance abortive Donne des réponses tordues aux chocs des questions de la vie, Trouve une saveur acide aux angoisses du monde, Et boit le vin piquant de la perversité du chagrin. Une malédiction s'étend sur la joie pure de la vie : La Félicité, le plus doux signe de Dieu et la jumelle de la Beauté, Redoutée par l'aspiration du saint et l'austérité du sage, Est évitée comme une tromperie dangereuse et ambiguë, Le truc spécieux d'un Pouvoir infernal Qui tente l'âme à son propre dommage et à sa chute. Un Dieu puritain a fait du plaisir un fruit empoisonné, Ou une drogue rouge sur le marché de la Mort, Et du péché l'enfant de l'extase de la Nature. Pourtant chaque créature est en chasse du bonheur, Achète avec de dures angoisses ou arrache par violence De la sombre poitrine du globe inanimé Quelque fragment ou quelque tesson cassé de félicité. La joie elle-même devient une potion empoisonnée, Sa faim devient un terrible crochet du Destin. Tous les moyens sont bons pour attraper un seul rayon, L'Eternité est sacrifiée pour la béatitude d'un moment :
Pourtant la terre fut faite pour la joie et non pour la peine
Et non comme un rêve dans un Temps de souffrance sans fin.
Quoique Dieu ait fait le monde pour Sa félicité,
Un Pouvoir ignorant en a pris charge et a semblé être Sa volonté
Et la profonde fausseté de la Mort a maîtrisé la Vie. |
Page – 58 - 59
|
All grew a play of chance simulating Fate.
A secret air of pure felicity
Deep like a sapphire heaven our spirits breathe; Our hearts .and bodies feel its obscure call, Our senses grope for it and touch and lose. If this withdrew, the world would sink in the Void; If this were not, nothing could move or live. A hidden Bliss is at the root of things. A mute Delight regards Time's countless works :
To house God's joy in things Space gave wide room,
To house God's joy in self our souls were born.
This universe an old enchantment guards; Its objects are carved cups of World-Delight Whose charmed wine is some deep soul's rapture-drink :
The All-Wonderful has packed heaven with his dreams,
He has made blank ancient Space his marvel-house; He spilled his spirit into Matter's signs: His fires of grandeur burn in the great sun, He glides through heaven shimmering in the moon; He is beauty carolling in the fields of sound; He chants the stanzas of the odes of Wind ; He is silence watching in the stars at night; He wakes at dawn and calls from every bough, Lies stunned in the stone and dreams in flower and tree. Even in this labour and dolour of Ignorance, On the hard perilous ground of difficult earth, In spite of death and evil circumstance A will to live persists, a joy to be. There is a joy in all that meets the sense, A joy in all experience of the soul, A joy in evil and a joy in good, A joy in virtue and a joy in sin: Indifferent to the threat of karmic law, Joy dares to grow upon forbidden soil, Its sap runs through the plant and flowers of Pain:
It thrills with the drama of fate and tragic doom,
It tears its food from sorrow and ecstasy,
On danger and difficulty whets its strength ; It wallows with the reptile and the worm |
Tout devint le jeu d'un Hasard simulant le Destin.
Un air secret de félicité pure
Profond comme un ciel de saphir est respiré par nos esprits ;
Nos cœurs et nos corps sentent son appel obscur, Nos sens tâtonnent à sa recherche, le touchent et le perdent. Si cela se retirait, le monde sombrerait dans le Vide ; Si cela n'était point, rien ne pourrait bouger ou vivre. Une Félicité cachée est à la racine des choses. Un Délice muet regarde les œuvres innombrables du Temps :
Pour loger la joie de Dieu dans les choses, l'Espace donna beaucoup de place,
Pour loger la joie de Dieu dans le moi nos âmes naquirent.
Cet univers garde un vieil enchantement ; Ses objets sont les coupes sculptées de la Félicité du Monde Dont le vin enchanté est la boisson délicieuse d'une âme profonde : Le Tout-Merveilleux a rempli le ciel de ses rêves, II a fait de l'ancien Espace vide, sa maison des merveilles ; II répandit son esprit dans les signes de la Matière :
Ses feux de magnitude brûlent dans le grand soleil,
II glisse à travers le ciel, luisant dans la lune ; II est la beauté gazouillant dans les champs du son ; II chante les stances des odes du Vent ; II est le silence veillant dans les étoiles la nuit ; II s'éveille à l'aurore et appelle sur toutes les branches, Se couche étourdi dans la pierre et rêve dans la fleur et dans l'arbre. Même dans ce labeur et cette douleur de l'Ignorance, Sur le sol dur et périlleux de la terre difficile, En dépit de la mort et des circonstances mauvaises Une volonté de vivre persiste, une joie d'être. Il y a une joie dans tout ce qui rencontre les sens, Une joie dans toute expérience de l'âme, Une joie dans le mal et une joie dans le bien, Une joie dans la vertu et une joie dans le péché : Indifférente à la menace de la loi karmique, La joie ose pousser sur un sol interdit, Sa sève coule dans la plante et les fleurs de la Douleur :
Elle vibre au drame du destin et du sort tragique,
Elle arrache sa nourriture du chagrin et de l'extase,
Sur le danger et la difficulté elle aiguise sa force ; Elle rampe avec le reptile et le ver |
Page – 60 - 61
|
And lifts its head, an equal of the stars ; It shares the fairies' dance, dines with the gnome:
It basks in the light and heat of many suns,
The sun of Beauty and the sun of Power
Flatter and foster it with golden beams ; It grows towards the Titan and the God. On earth it lingers drinking its deep fill, Through the symbol of her pleasure and her pain, Of the grapes of Heaven and the flowers of the Abyss, Of the flame-stabs and the torment-craft of Hell And dim fragments of the glory of Paradise. In the small paltry pleasures of man's life, In his petty passions and joys it finds a taste, A taste in tears and torture of broken hearts, In the crown of gold and in the crown of thorns, In life's nectar of sweetness and its bitter wine. All being it explores for unknown bliss, Sounds all experience for things new and strange. Life brings into the earthly creature's days A tongue of glory from a higher sphere: It deepens in his musings and his Art, It leaps at the splendour of some perfect word, It exults in his high resolves and noble deeds, Wanders in his errors, dares the abyss's brink, It climbs in his climbings, wallows in his fall. Angel and demon brides his chamber share, Possessors or competitors for life's heart. To the enjoyer of the cosmic scene His greatness and his littleness equal are, His magnanimity and meanness hues Cast on some neutral background of the gods :
The Artist's skill he admires who made the plan,
But not for ever endures this danger game;
Beyond the earth, but meant for delivered earth,
Wisdom and joy prepare their perfect crown:
Truth superhuman calls to thinking man.
At last the soul turns to eternal things,
In every shrine it cries for the clasp of God.
Then is there played the crowning Mystery,
Then is achieved the longed-for miracle. |
Et lève sa tête, en égale des étoiles ; Elle prend part à la danse des fées, dîne avec les gnomes :
Elle se réchauffe à la lumière et à la chaleur de beaucoup de soleils,
Le soleil de la Beauté et le soleil du Pouvoir
La flattent et l'encouragent de leurs rayons d'or ; Elle croît vers le Titan et le Dieu. Sur terre, elle s'attarde à boire tout son soûl, A travers le symbole de son plaisir et de sa peine, Des raisins du Ciel et des fleurs de l'Abîme, Des coups de poignards enflammés et de l'artifice du supplice de l'Enfer Et des faibles fragments de la gloire du Paradis. Dans les plaisirs mesquins et pitoyables de la vie humaine, A ses passions et ses joies insignifiantes elle trouve du goût, Du goût aux larmes et à la torture des cœurs brisés, A la croix d'or et à la couronne d'épines, Au nectar de la vie et à son vin amer. Elle explore tout être pour trouver une félicité inconnue, Elle sonde toute expérience à la recherche de choses nouvelles et étranges. La vie apporte aux jours des créatures terrestres Une langue de gloire venant d'une sphère plus haute : Elle s'approfondit dans leurs rêveries et leur Art, Elle s'élance vers la splendeur d'un mot parfait, Elle exulte dans leurs résolutions élevées et leurs nobles actions, S'égare dans leurs erreurs, ose boire à l'abîme, Elle gravit leurs ascensions, se vautre dans leurs chutes. Ange ou démon en fiancée partage leur chambre, Possesseurs ou compétiteurs du cœur de la vie. Pour celui qui jouit de la scène cosmique Leur grandeur et leur petitesse sont égales, Leur magnanimité et leur mesquinerie, des teintes Jetées sur un fond neutre des dieux :
L'habileté de l'Artiste qui fit ce plan est admirée
Mais ce jeu dangereux n'est pas enduré pour toujours :
Au-delà de la terre, mais destinées à une terre délivrée,
La sagesse et la joie préparent leur couronne parfaite : La Vérité surhumaine appelle l'homme pensant. Enfin l'âme se tourne vers les choses éternelles, Dans tous les sanctuaires elle crie pour l'étreinte de Dieu. Alors se joue le Mystère suprême, Alors est accompli le miracle tant désiré. |
Page – 62 - 63
|
Immortal bliss her wide celestial eyes
Opens on the stars, she stirs her mighty limbs; Time thrills to the sapphics of her amour song And Space fills with a white beatitude. Then leaving to its grief the human heart, Abandoning speech and the name-determined realms, Through a gleaming far-seen sky of wordless thought, Through naked thought-free heavens of absolute sight, She climbs to the summits where the unborn Idea Remembering the future that must be Looks down upon the works of labouring Force, Immutable above the world it made. In the vast golden laughter of Truth's sun Like a great heaven-bird on a motionless sea Is poised her winged ardour of creative joy On the still deep of the Eternal's peace. This was the aim, this the supernal Law, Nature's allotted task when beauty-drenched In dim mist waters of inconscient sleep, Out of the Void this grand creation rose, — For this the Spirit came into the Abyss And charged with its power Matter's unknowing Force, In Night's bare session to cathedral light, In Death's realm repatriate immortality. A mystic slow transfiguration works. All our earth starts from mud and ends in sky, And Love that was once an animal's desire, Then a sweet madness in the rapturous heart, An ardent comradeship in the happy mind, Becomes a wide spiritual yearning's space. A lonely soul passions for the Alone, The heart that loved man thrills to the love of God, A body is his chamber and his shrine. Then is our being rescued from separateness; All is itself, all is new-felt in God:
A Lover leaning from his cloister's door
Gathers the whole world into his single breast.
Then shall the business fail of Night and Death:
When unity is won, when strife is lost
And all is known and all is clasped by Love |
La félicité immortelle, ses grands yeux célestes
S'ouvrent sur les étoiles, elle réveille ses membres puissants ;
Le Temps tressaille aux saphiques de son chant d'amour Et l'Espace se remplit d'une blanche béatitude. Alors laissant le cœur humain à son chagrin, Abandonnant la parole et les régions déterminées par le nom, A travers le ciel miroitant vu de loin de la pensée sans mots, A travers les deux nus libres de pensée, de la vision absolue, Elle grimpe jusqu'aux sommets où l'Idée encore à naître Se souvenant de l'avenir qui doit être Regarde d'en haut les œuvres de la Force qui travaille, Immuable au-dessus du monde qu'elle fît. Dans le vaste rire doré du soleil de Vérité Comme un grand oiseau du ciel sur une mer immobile Est posée son ardeur ailée de joie créatrice Sur la profondeur tranquille de la paix de l'Eternel. Tel était le but, telle la Loi suprême, La tâche assignée à la Nature quand ruisselant de beauté Dans les eaux obscures de brume du sommeil inconscient, I-lors du Vide cette grande création s'éleva, — C'est pour cela que l'Esprit vint dans l'abîme Et remplit de son pouvoir la Force ignorante de la Matière, Dans les pauvres assises de la Nuit à la lumière principale Dans la région de la Mort rapatrier l'immortalité. Une lente transfiguration mystique est à l'œuvre. Toute notre terre commence avec la boue et finit dans le ciel, Et l'Amour qui fut une fois un désir de l'animal, Puis une douce folie dans le ravissement du cœur, Une ardente camaraderie dans le mental heureux, Devient un espace de vaste aspiration spirituelle. La passion d'une âme solitaire pour le Seul, Le cœur qui aima l'homme tressaille à l'amour de Dieu, Un corps est sa demeure et son sanctuaire. Alors notre être est délivré de la séparation ; Tout est lui-même, tout est nouvellement senti en Dieu :
Un Amant se penchant à la porte de son cloître
Rassemble le monde entier dans sa seule poitrine.
Alors faillira l'affaire de la Nuit et de la Mort :
Quand l'unité est gagnée, quand le conflit est perdu
Et que tout est connu et tout est saisi par l'Amour |
Page – 64 - 65
|
Who would turn back to ignorance and pain ?
O Death, I have triumphed over thee within; I quiver no more with the assault of grief;
A mighty calmness seated deep within
Has occupied my body and my sense:
It takes the world's grief and transmutes to strength,
It makes the world's joy one with the joy of God.
My love eternal sits throned on God's calm;
For Love must soar beyond the very heavens
And find its secret sense ineffable; It must change its human ways to ways divine, Yet keep its sovereignty of earthly bliss. O Death, not for my heart's sweet poignancy Nor for my happy body's bliss alone I have claimed from thee the living Satyavan, But for his work and mine, our sacred charge. Our lives are God's messengers beneath the stars;
To dwell under death's shadow they have come
Tempting God's light to earth for the ignorant race,
His Love to fill the hollow in men's hearts,
His bliss to heal the unhappiness of the world.
For I the Woman am the force of God,
He the Eternal's delegate sole in man.
My will is greater than thy law, O Death; My love is stronger than the bonds of Fate:
Our love is the heavenly seal of the Supreme.
I guard that seal against thy rending hands.
Love must not cease to live upon the earth;
For Love is the bright link twixt earth and heaven,
Love is the far Transcendent's angel here;
Love is man's lien on the Absolute."
But to the woman Death the god replied,
With the ironic laughter of his voice
Discouraging the labour of the stars: "Even so men cheat the Truth with splendid thoughts. Thus wilt thou hire the glorious charlatan Mind, To weave from his Ideal's gossamer air A fine raiment for thy body's nude desires And thy heart's clutching greedy passion clothe ? Daub not the web of life with magic hues : |
Qui retournerait à l'ignorance et à la douleur ?
Ô Mort, j'ai triomphé sur toi au-dedans; Je ne tremble plus des assauts du chagrin ;
Un calme puissant assis dans les profondeurs
A rempli mon corps et mes sens : II prend la douleur du monde et la change en force, II fait que la joie du monde devienne une avec la joie de Dieu. Mon amour éternel est assis sur le trône du calme de Dieu, Car l'Amour doit planer au-delà même des cieux Et trouver le secret de son sens ineffable ; II doit changer ses manières humaines en manières divines, Et garder pourtant la souveraineté de sa béatitude terrestre. Ô Mort, non pour la douceur poignante de mon cœur Ni pour le délice heureux de mon corps seul Ai-je réclamé de toi Satyavan vivant, Mais pour son œuvre et la mienne, notre charge sacrée. Nos vies sont les messagères de Dieu sous les étoiles ; Pour demeurer sous l'ombre de la mort, elles sont venues Rendant la lumière de Dieu attrayante à la terre pour la race ignorante, Son Amour pour remplir le creux dans le cœur des hommes, Sa félicité pour guérir le malheur du monde. Car moi, la Femme, je suis la force de Dieu, Lui, le délégué de l'Eternel seul dans l'homme. Ma volonté est plus grande que ta loi, ô Mort ;
Mon amour est plus fort que les liens du Destin,
Notre amour est le sceau céleste du Suprême.
Je garde ce sceau contre tes mains qui brisent.
L'Amour ne doit cesser de vivre sur la terre ;
Car l'Amour est le lien brillant entre la terre et le ciel.
L'Amour est ici l'ange du Transcendant lointain ;
L'Amour est le droit de rétention de l'homme sur l'Absolu."
Mais la Mort, le dieu, répondit à la femme,
Avec le rire ironique de sa voix
Qui décourage le labeur des étoiles : "C'est ainsi que les hommes dupent la Vérité avec des pensées splendides. Ainsi soudoieras-tu le charlatan Mental glorieux, Pour qu'il tisse avec les fils de la Vierge de son Idéal Un beau vêtement pour les désirs nus de ton corps Et pour habiller la passion avide de ton cœur qui accroche. Ne déguise pas la toile de la vie avec des nuances magiques : |
Page – 66 - 67